
Lorsque vous consentez une hypothèque sur un bien immobilier, le créancier bénéficiaire, appelé « hypothécaire », dispose d'un droit de suite sur le bien.
En quoi consiste ce droit et qu'implique-t-il pour vous ? Le point sur la question.
Droit de suite : qu'est-ce que c'est ?
L'hypothèque est une sûreté immobilière définie par l'article 2385 du Code civil :
« L'hypothèque est l'affectation d'un immeuble en garantie d'une obligation sans dépossession de celui qui la constitue".
Exemple : vous achetez un bien immobilier. La banque qui vous consent un crédit immobilier prend une inscription hypothécaire sur votre bien immobilier pour garantir son prêt.
L'hypothèque est caractérisée par :
- un droit de préférence sur tout ou partie des autres créanciers ;
- un droit de suite au bénéfice du créancier hypothécaire.
Le créancier hypothécaire a donc la priorité sur de nombreux autres créanciers qui bénéficieraient d'une inscription sur le bien. De plus, il est protégé même si d'autres personnes acquièrent l'immeuble.
L'article 2454 du Code civil dispose en effet :
« En cas d'aliénation de l'immeuble, l'hypothèque le suit entre les mains du tiers acquéreur. Le tiers acquéreur est ainsi obligé, dans la limite des inscriptions, à toute la dette garantie, en capital et intérêts, quel qu'en soit le montant. »
Le droit de suite est donc la faculté offerte au créancier hypothécaire de saisir le bien entre les mains du tiers détenteur en cas de vente ou de transmission de celui-ci, afin de se faire payer sa créance.
Ce droit est opposable à tout tiers détenteur, indépendamment de sa bonne ou mauvaise foi.
Bon à savoir : le tiers détenteur peut être toute personne entrée en possession de l'immeuble litigieux par suite de vente ou transmission (donation, héritage, etc).
Par quelle procédure faire appliquer le droit de suite ?
Mise en œuvre
Pour pouvoir exercer son droit de suite, le créancier hypothécaire doit remplir trois conditions :
- Son inscription doit être antérieure à la transmission du bien au tiers détenteur.
- Sa créance doit être exigible.
- Elle doit aussi être constatée par un titre exécutoire.
Bon à savoir : un titre exécutoire est un acte juridique constatant un droit de créance (voir article L. 111-3 du Code des procédures civiles d'exécution).
Le droit de suite s'exerce au moyen de la procédure des saisies immobilières, qui vise à réaliser la vente du bien aux enchères.
Matériellement, le créancier adresse par voie d'huissier un commandement de payer au tiers détenteur :
- Cet acte mentionne la possibilité laissée au détenteur de payer la créance ou de délaisser l'immeuble.
- À défaut, le créancier est en droit de poursuivre la vente aux enchères du bien immobilier.
Droits du tiers détenteur
En tant que détenteur d'un immeuble, que pouvez-vous faire si un créancier tente de faire valoir ses droits à votre encontre ?
Il existe des moyens d'exception à opposer au créancier hypothécaire :
- D'abord, ceux propres au débiteur (celui qui vous a cédé le bien). Par exemple, si le débiteur disposait d'un moyen de nullité ou de prescription quant à la créance réclamée, vous pouvez opposer cette exception afin d'anéantir le droit du créancier.
- Vous pouvez également utiliser les moyens propres au tiers acquéreur, exception de garantie ou bénéfice de discussion (sous certaines conditions, voir article 2455 du Code civil).
Issue de la procédure
Hormis ces exceptions, dès lors que les droits du créancier hypothécaire sont fondés, trois solutions solutions sont offertes au tiers détenteur (article 2456 du Code civil) :
- Il peut « délaisser » l'immeuble, comme l'énonce le commandement de payer. Cela signifie qu'il renonce à l'acquérir. Ce délaissement peut être fait par tous les tiers détenteurs qui ne sont pas personnellement obligés à la dette, et qui ont la capacité d'aliéner.
- Il lui est possible, pour conserver la propriété de l'immeuble, de payer la dette au créancier hypothécaire. Il y a en ce cas mainlevée de l'inscription et le tiers détenteur se retrouve en pleine possession du bien immobilier. Toutefois, cette solution n'est intéressante que si la ou les dettes sont inférieures ou égales au prix de l'immeuble.
Une autre solution intéressante demeure, pour le tiers détenteur, de procéder à la « purge des hypothèques » prévue par les articles 2461 et suivants du Code civil.
Il s'agit d'une procédure particulière lui permettant de demeurer propriétaire du bien immobilier après la réalisation de certaines formalités :
- avoir la qualité d'acquéreur de l'immeuble ;
- ne pas être personnellement tenu de régler la dette ;
- être en capacité juridique de disposer.
S'il remplit ces conditions, le tiers détenteur peut purger l'immeuble de toutes les hypothèques, en offrant aux créanciers son prix d'acquisition ou sa valeur estimée.
Enfin, dans le cas où le tiers détenteur ne répond pas à la sommation de payer, et si la vente aux enchères du bien à lieu, celui-ci dispose d'un recours à l'encontre du vendeur afin de récupérer le prix de cession de l'immeuble.
Bon à savoir : pour éviter ce type de désagrément, il faut veiller aux inscriptions hypothécaires grevant un bien avant toute transmission ou acquisition. Renseignez-vous auprès des services de la publicité foncière du lieu de situation de l'immeuble.
Pour approfondir la question :
- Consultez notre page dédiée à l'hypothèque.
- Pour vous informer avant d'acquérir un bien, il est préférable d'obtenir une copie d'acte publié au service de publicité foncière. Téléchargez gratuitement notre fiche pratique pour en savoir plus.
- Notre article Acheter un bien hypothéqué vous renseigne sur les formalités à remplir pour ce type d'acquisition.